Les transformations du contexte de travail à l’ère du digital : Approches et exemples de la psychologie du travail et des organisations

Nicolas Bazine, Léa Fréour, Marco Peña-Jimenez et Adalgisa Battistelli

Dans les organisations, nous assistons aujourd'hui à une transformation du contexte initiée par la 4ème révolution industrielle. Cette transformation technologique est aussi qualifiée d'"Industrie 4.0" ou de digitalisation. Plusieurs chercheurs en psychologie du travail et des organisations se sont interrogés sur les implications de cette transformation dans les organisations (e.g., Battistelli et Odoardi, 2018 ; Cascio et Montealegre, 2016). De manière plus globale, cette transformation peut être analysée à partir d'une perspective qui intègre les technologies et le facteur humain dans le contexte organisationnel, comme il est possible de voir dans les recherches abordant la question des technologies dans les organisations lesquelles peuvent être regroupées en 4 paradigmes (Landers et Martin, 2021 ; Murray et al., 2020). A travers des exemples tirés de nos recherches, nous illustrerons deux de ces paradigmes : 1) le traitement des technologies comme « contexte » et les transitions que ce nouveau contexte peut activer sur les processus d'apprentissage et la poursuite de la carrière. L’idée des technologies comme contexte est née de l'omniprésence technologique qui a bouleversé les manières d'interagir, apprendre et communiquer, (Cascio et Montaelegre, 2016) produisant une modification du contexte avec une perception des possibilités et des opportunités nouvelles pour les individus, notamment en termes d'apprentissage (Bazine et al., 2020 ; McFarland et Ployhart, 2015). Cela peut affecter le développement de carrière avec des manières nouvelles de la construire (Davis et al., 2020 ; Hall et al., 2018) ; et 2) le traitement des technologies dans leur « conception » (technology-as-designed) où il est important de tenir compte de leurs spécificités. Nous examinerons les effets d'une technologie en particulier (i.e., l'automatisation robotique des procédés) sur les activités de travail et les transitions que cela peut impliquer concernant les relations au travail (Fréour et al., 2021). Finalement, nous analyserons et discuterons les implications théoriques, méthodologiques et pratiques de cette transformation technologique dans le contexte de travail et des organisations.

Mots-clés : Transformation – Technologie – Humain – Travail - Organisations

Enjeux méthodologiques et statistiques dans l’étude des transitions

Nahema Bettayeb, Yoann Fombouchet, Simon Pineau et Yannick Vincent

Les transitions sont des périodes de temps plus ou moins longues caractérisées par des changements (e.g., soudains comme l’annonce du premier confinement ou plus longs comme la puberté, l’acquisition de la marche ou de l’écrit), et qui se traduisent dans le temps, par de la variabilité d’un état à un autre. Ainsi, les transitions sont indissociables de leur nature temporelle, il y a un avant, un pendant et un après une transition. Les transitions sont indissociables de leur nature temporelle. La manière d’appréhender la temporalité dans les changements biopsychosociaux qui interviennent à l’occasion des transitions constitue un enjeu majeur de la recherche contemporaine. L’étude des transitions nécessite des méthodologies spécifiques pour pouvoir capturer les changements potentiels qui peuvent apparaître durant celles-ci. Les formes que peuvent prendre les transitions sur le développement peuvent être nombreuses. Le développement de l’individu, les demandes ou opportunités de l’environnement amènent à une diversité de transitions qui peuvent être vécues de manière variable par l’individu (Bronfenbrenner, 1979, 1986 ; Nurmi, 2004). Ainsi, la méthodologie de recueil des données (e.g., observation, questionnaire, tâche informatisée, entretien) comme la manière d’analyser ces données sont centrales dans l’étude des transitions. Des analyses peuvent être employées pour étudier des changements entre l’avant et l’après-transition, la présence d’une discontinuité ou la variabilité liée à la transition (Kunnen et al., 2012). L’échelle temporelle (e.g., courte, longue), la nature du changement (e.g., quantitatif ou qualitatif) et des analyses (i.e., centrée sur l’échantillon, la variabilité interindividuelle, intra-individuelle) sont des éléments nécessaires pour choisir les méthodes de traitement de données appropriées (Collins, 2006). Cette contribution portera principalement sur les enjeux méthodologiques et statistiques que soulève l’étude des transitions en contexte.

 Mots clefs : Transitions – Méthodologie - Analyses statistiques

Quand la transition vient questionner la norme : Illustrations dans le contexte du Devenir Élève et chez les enfants Haut Potentiel Intellectuel

Nahema Bettayeb, Florianne Campala et Emilie Poisson

La notion de transition fait l’objet de nombreux travaux dans des champs disciplinaires variés et donne lieu à de multiples conceptualisations. Si la psychologie du développement s’est d’abord principalement attachée à décrire des stades généraux chez l’enfant, la question de leur articulation et la variabilité inter et intra-individuelle s’est ensuite posée. Le modèle écologique du développement (Bronfenbrenner, 1979, 1986) a contribué à l’appréhension de cette complexité et a posé les prémisses de la transition écologique. Celle-ci intervient lorsque la position d'une personne dans l'environnement écologique est modifiée à la suite d'un changement de rôle, de milieu ou des deux et peut se produire tout au long du développement. Au sein de ces transitions, les systèmes de valeurs, les normes, dans le contexte et pour la personne, peuvent être transformés et redéfinis. Pour autant, ces transformations ne résultent pas uniquement d’influences externes, la personne est un agent actif. À travers les différents milieux qu’elle fréquente, la personne va créer, innover, se personnaliser, donner du sens à ses expériences et aux normes qui l’entourent (Malrieu, 1988). Des processus de construction et de reconstruction, identitaires et du milieu de vie, sont alors en œuvre. La personne opère des transformations de ses propres représentations, de ses relations interpersonnelles et de ses milieux sociaux. Ces dynamiques seront illustrées à travers le développement d’enfants dans et hors les normes. La complexité du Devenir Élève sera mise en exergue au regard des multiples systèmes qui interviennent dans le processus de cette transition écologique, de la part active de l’enfant et des multiples temporalités. Puis, la transition sera abordée chez l’enfant Haut Potentiel Intellectuel (HPI), dont l’identification, porteuse de sens, marque une redéfinition de soi, des représentations et des attentes psychosociales.

Mots-clefs : Transition écologique – Enfant - Devenir élève – Haut Potentiel Intellectuel

La proactivité, un processus orienté vers le changement et l’innovation

Guillaume Déprez et Adalgisa Battistelli

La proactivité est un processus crucial pour les organisations (Lee, Pak, Kim et Li, 2019). Elle désigne l'ensemble des actions mises en œuvre à l'avance par les acteurs de l’organisation pour influencer leur travail, eux-mêmes ou leur environnement (Grant et Ashford, 2008). Cette action dynamique est généralement réalisée avec anticipation et suit une logique de planification (Griffin, Neal, & Parker, 2007). Pourtant la proactivité reste un processus coûteux pour ses acteurs (Frese et Fay 2001). Par son orientation vers le changement et l’innovation (Potočnik et Anderson, 2016), la proactivité demande une orientation constante vers le futur (Strauss et Parker, 2018), un défi constant du statu quo (Parker, Wang et Liao, 2019), et une prise de distance avec les normes individuelles, d’équipes et organisationnelles (Grant et Ashford, 2008). Sur la base des théories de l’échange social (Blau, 1964), de l’auto-détermination (Decy et Ryan, 1985) et de l’auto-régulation (Bandura, 1977) nous discuterons de 1) la relation aux normes et à la déviance des individus proactifs et leurs effets sur leur environnement ; ainsi que, 2) des situations dans lesquelles les individus perçoivent une nécessité de développer leurs compétences stratégiques afin de générer des comportements proactifs susceptibles d’apporter des transformations.

Mots-clefs : Proactivité - Déviance - Comportements - Orientation Personnelle - Changement et Innovation